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Histoire des C.E.

HistoIRE des Comités d'entreprise

 

C'est Ambroise Croizat, ministre à la Libération, fondateur de la Sécurité sociale et d'autres "conquêtes" qui est à l'origine des Comités d'entreprise. L'homme est né en 1901 dans une cité ouvrière de la vallée de Moûtiers en Savoie, père manoeuvre et syndicaliste. Décédé à l'âge de 51 ans des suites d'une longue maladie.

Le 15 mars 1944, Le Conseil national de la Résistance (CNR) a défini son programme de reconstruction du pays. Parmi ses objectifs :
• un plan complet de Sécurité sociale universelle et solidaire ;
• l'instauration  d'une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l'éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l'économie ; 
• le retour à la nation des grands moyens de production monopolisée, fruits du travail commun, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurances et des grandes banques ; 
• une organisation rationnelle de l'économie assurant la subordination des intérêts particuliers à l'intérêt général professionnel ;
• le droit d'accès, dans le cadre de l'entreprise, aux fonctions de direction et d'administration, pour les ouvriers possédant les qualifications nécessaires, et la participation des travailleurs aux choix économiques.

 

Comment sont nés les comités d'entreprise  ?

Les comités d'entreprise constituent une institution originale et d'avant-garde.

Cette conquête sociale originale, a connu des améliorations et des régressions, en fonction du rapport de forces. Elle alliait une compétence consultative en matière économique et un droit gestionnaire en matière sociale et culturelle.

Les idées de contrôle ouvrier influencèrent en 1943 les Résistants qui discutaient dans la clandestinité d'un programme économique de reconstruction et de rénovation de la France. Le 15 mars 1944, le CNR adoptait un programme qui mentionnait notamment "la participation des travailleurs à la direction de l'économie". La Constitution de 1946 à laquelle se réfère notre Constitution actuelle, reflète cette formulation lorsqu'elle dit : "Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu'à la gestion des entreprises."

Un rapport des Résistants préconisait la constitution, au sein de chaque établissement, d'un comité d'entreprise de caractère tripartite (employeur, techniciens, ouvriers). Les réformes souhaitées par la Résistance trouvèrent un écho au Comité français de la libération nationale (CFLN), prédécesseur du gouvernement provisoire de la République française (GPRF). Un décret créa des comités mixtes à la production dans les établissements techniques de l'air. Ces comités mixtes n'avaient qu'un rôle consultatif, alors que le premier projet du ministre communiste Fernand Grenier, commissaire à l'Air, leur accordait un pouvoir de décision.

 

Que s'est-il passé à la libération  ?

Les faits ont précédé le droit. Dans un climat où la classe ouvrière sortait grandie du fait de sa participation à la Résistance, alors que certains dirigeants d'entreprises étaient discrédités par la collaboration avec l'ennemi, de multiples initiatives furent prises dans les entreprises en août 1944, sous l'impulsion des comités locaux de Libération. Divers comités se constituèrent rapidement dans les entreprises, à la fois pour défendre les installations industrielles contre les sabotages, pour hâter le relèvement économique du pays et pour accroître l'effort de guerre dans les industries travaillant pour la défense nationale.

Bien que le GPRF publie, le 29 septembre 1944, un communiqué indiquant "qu'aucune autorité ni aucun organisme n'a qualité pour modifier, en dehors des prescriptions de la loi, les fondements du régime des entreprises", jusqu'à la fin de l'année 1944, les comités patriotiques et comités de gestion se multiplièrent. Cela amena le GPRF à promettre, par une référence implicite au programme du C.N.R., de publier une ordonnance sur les comités mixtes à la production dans les grandes entreprises.

M. Parodi, ministre du Travail, prépara en octobre 1944 un avant-projet d'ordonnance et consulta les centrales CGT et CFTC qui s'étaient reconstituées dès avant la Libération. Ces syndicats avaient plusieurs délégués à l'Assemblée consultative. Du côté patronal, la Confédération générale du patronat français (CGPF), ancêtre du CNPF et du MEDEF, avait disparu et le gouvernement dut désigner une commission de représentation patronale de douze membres.

Cette commission patronale émit aussitôt de nombreuses critiques contre l'avant-projet d'ordonnance, en particulier contre l'octroi d'un droit d'appel du comité d'entreprise devant l'inspecteur de la production industrielle et contre l'assistance d'un expert-comptable. M. Mendès France, ministre de l'Économie, fit supprimer diverses dispositions de l'avant-projet, dont celle permettant au comité d'entreprise de se faire assister d'un expert-comptable lors de l'examen des documents de l'entreprise.

Les syndicats de salariés, qui s'attendaient à des pouvoirs de gestion, furent déçus par l'avant-projet d'ordonnance. Aussi, la commission du Travail de l'Assemblée consultative, présidée par Ambroise Croizat, secrétaire général de la Fédération CGT de la métallurgie, modifia-t-elle très profondément l'avant-projet, en y ajoutant la plupart des attributions économiques et des moyens d'action qui font aujourd'hui l'originalité de l'institution.

Toutefois, le gouvernement provisoire fit machine arrière sur le texte. Il écarta la plupart des modifications apportées par l'Assemblée et revint à son projet initial.

 

C'est pourtant en 1945 que parut le premier texte français sur les comités d'entreprise...

L'acte de naissance officiel des comités d'entreprise fut l'ordonnance du 22 février 1945. Mais cette ordonnance fut accueillie par de vives critiques des syndicats, dont l'influence grandissait, ce qui provoqua un incident de séance le 2 mars 1945 à l'Assemblée. En octobre 1945, Ambroise Croizat devint ministre du Travail dans le nouveau gouvernement. Le 22 décembre 1945, Albert Gazier, déposa une proposition de loi reprenant les modifications adoptées en vain par l'Assemblée consultative provisoire.

Le 20 janvier 1946, le Général de Gaulle démissionna de la présidence du GPRF. Félix Gouin, lui succéda et le gouvernement déposa le 15 février 1946 un projet de loi modifiant l'ordonnance du 22 février 1945. L'assemblée y ajouta les propositions Gazier-Croizat et vota à l'unanimité le texte qui devait devenir la loi du 16 mai 1946.

Les réactions patronales furent très vives. La chambre de commerce de Paris adressa au ministre du Travail un rapport critique, s'élevant contre le seuil de 50 salariés (au lieu de 100), contre l'obligation de consulter le CE, contre l'assistance de l'expert-comptable, contre les 20 heures de délégation, etc.

 

l'apport de la loi du 16 mai 1946

La loi du 16 mai 1946 est une loi d'avant-garde. Plus que l'ordonnance de 1945 qu'elle modifia profondément, cette loi a constitué et constitue toujours le socle du statut des comités d'entreprise, c'est-à-dire un compromis sur le plan économique (des attributions purement consultatives) et un droit de gestion indépendant des oeuvres sociales existant dans l'entreprise. La loi de 1946 doubla le nombre des entreprises assujetties en portant le seuil d'effectifs de 100 à 50 salariés ; elle accorda aux comités d'entreprise un droit de consultation, et non plus seulement d'information, sur l'organisation et la marche générale de l'entreprise, un droit d'information obligatoire sur les bénéfices, l'assistance d'un expert-comptable, la communication des documents remis aux actionnaires. Elle abaissa l'âge d'éligibilité de 25 à 21 ans, etc...

L'année qui suivit la promulgation de la loi du 16 mai 1946 connut un rapide accroissement du nombre des comités d'entreprise, favorisé par l'essor parallèle des syndicats et l'abaissement du seuil d'effectifs. Le transfert des oeuvres sociales patronales existantes et les réclamations syndicales en matière de contribution patronale permirent le développement d'un important réseau de centres de vacances et d'activités sociales et culturelles à travers la France. Parallèlement, les nationalisations favorisèrent la mise en place de grands comités d'entreprise.

 

La loi de 1946 N'EST PAS restée intacte

Il y eut par la suite des améliorations et des régressions selon le rapport de forces. La loi, insérée dans le Code du travail, fut modifiée à plusieurs reprises, mais les principes initiaux, à savoir des attributions consultatives en matière économique et un droit de gestion indépendant en matières d'activités sociales et culturelles, restèrent inchangés.

Répondant à certaines revendications syndicales, une loi du 18 juin 1966 institua des représentants syndicaux au comité d'entreprise (prélude aux délégués syndicaux de 1968) et elle étendit la consultation du comité aux compressions d'effectifs, sous peine de refus d'autorisation de licenciement de l'inspecteur du travail, laquelle était alors obligatoire.

La loi du 28 octobre 1982 (dite loi Auroux) constitua un tournant : elle créa une subvention de fonctionnement de 0,2 % de la masse salariale ; elle étendit les prérogatives de l'expert-comptable ; elle créa un comité de groupe, etc.

Depuis 1990, les CE se trouvent au coeur d'une tourmente économique - restructurations permanentes , externalisations, licenciements "boursiers", etc. - que leurs attributions purement consultatives ne peuvent contenir. En 1993, la loi dite quinquennale, rogna les droits des représentants du personnel, tandis que la jurisprudence s'efforça généralement de tirer le meilleur parti possible de textes de plus en plus touffus.

 

Comment se présente l'avenir des comités d'entreprise ?

L'institution des CE reste largement inachevée. Plus de 70 ans après leur création, les CE n'existent que dans 57 % des établissements assujettis ; l'assistance si précieuse de l'expert-comptable, n'est présente que dans une minorité des comités créés ; et, dans leur majorité, les comités perçoivent moins de 1 % de la masse salariale pour les activités sociales et culturelles.

 

 

Sources : Maurice Cohen, directeur de la Revue pratique de droit social et Jean Morawski